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ToggleEn tant que créateur ou entreprise de mode, la protection de vos créations contre la copie est une priorité.
Cependant, concrètement, vous avez l’impression que seules les entreprises avec un énorme budget pour des actions en justice interminables arrivent à faire valoir leurs droits. On a aussi pu vous affirmer qu’il suffit de sept différences pour qu’une création très similaire à la vôtre ne soit pas considérée comme une copie. Rassurez-vous, il s’agit d’une légende urbaine !
Il existe deux catégories d’actions pour se défendre contre la copie.
Plusieurs types de droits de propriété intellectuelle peuvent protéger les créations de mode lorsque les conditions sont remplies :
- droit d’auteur
- dessin et modèle enregistré (français ou de l’Union européenne)
- dessin et modèle communautaire non-enregistré.
A défaut d’accord du titulaire des droits, l’auteur de la copie d’une création protégée peut faire l’objet d’une action en contrefaçon.
💡Il est plus facile de faire valoir ses droits dans le cadre d’une action en contrefaçon lorsque des précautions préalables sont prises (dépôts, enveloppe Soleau, documentation du procédé de création…).
De plus, la copie d’une ou plusieurs créations peut être sanctionnée sur le fondement de la concurrence déloyale. Cette action ne sanctionne pas la copie de vos créations en tant que telle, mais, l’atteinte à la concurrence sur un marché du fait de la copie de vos produits.
💡Avant d’entamer une quelconque action en justice, il est préférable d’essayer de trouver une issue amiable à votre litige.
L’action en contrefaçon pour lutter contre la copie de vos créations de mode
L’action en contrefaçon sanctionne une atteinte à un droit de propriété intellectuelle (droit d’auteur, droit des dessins et modèles, droit des marques, brevet).
La copie d’une création de mode protégée par un droit de propriété intellectuelle (droit d’auteur ou dessin et modèle) porte atteinte à ce dernier.
Au pénal, la contrefaçon est un délit, qui peut être sanctionnée par une peine d’amende et/ou une peine d’emprisonnement. L’action en contrefaçon permet d’obtenir des dommages et intérêts en matière civile. C’est donc l’action civile qui est la plus souvent choisie pour défendre les intérêts des entreprises dans la mode.
Les critères appliqués par les tribunaux pour caractériser la contrefaçon
Le juge apprécie librement les ressemblances entre les créations. Lorsqu’il estime qu’elles sont suffisantes, il retient la contrefaçon et condamne le copieur.
La contrefaçon s’apprécie par les ressemblances et non pas par les différences. Cela signifie qu’il n’y a pas de nombre de différences pré-défini qui permettrait d’échapper à la contrefaçon (contrairement à ce que certains acteurs de la mode semblent affirmer).
Une jurisprudence constante consacrée dans un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 16/06/1955 pose ce principe.
“L’existence de ressemblances, s’agissant de la forme de deux œuvres, peut suffire à établir la contrefaçon indépendamment de l’existence de différences”
En pratique, le juge va comparer les ressemblances entre votre création et celle du copieur afin de déterminer si la copie est ou non une contrefaçon.
Par exemple, dans un jugement n°23/15955 en date du 24/04/2024, le tribunal judiciaire de Paris a comparé deux modèles de chaussures (l’original protégé par un modèle déposé, et la copie) et a conclu que les différences entre les produits étaient « minimes” comparées aux ressemblances. De ce fait, l’entreprise ayant copié la chaussure a été condamnée pour contrefaçon de modèle et a été contrainte de cesser la commercialisation des copies.
L’action en contrefaçon de droit d’auteur
Aucune formalité administrative n’est nécessaire pour qu’une création de mode soit protégée par le droit d’auteur.
Pour bénéficier de la protection, il suffit que la création soit originale, en ce sens qu’elle soit le fruit de choix libres et créatifs de l’auteur et qu’elle se détache des créations de mode habituelles, le “fond commun de la mode”.
Par exemple, des baskets à lacets ne sont pas originales lorsque “toutes les caractéristiques revendiquées au titre de l’originalité appartiennent au fond commun de la fabrication de baskets basses à lacets et leur combinaison ne présente aucune apparence singulière qui viendrait révéler l’empreinte de la personnalité d’un styliste.” (Tribunal judiciaire de Paris 22/03/2024, n° 21/08049).
Du fait de la spécificité du droit d’auteur tenant à l’absence de formalité, si votre création de mode est copiée, vous devrez démontrer lors de l’action en contrefaçon qu’elle est originale. Cette démonstration de l’originalité est essentielle. Une fois l’originalité démontrée, vous n’aurez qu’à appuyer sur les ressemblances entre la copie confectionnée par votre concurrent et votre produit.
💡 La protection offerte par le droit d’auteur peut se cumuler avec celle offerte par le droit des dessins et modèles.
Ainsi, si votre création est protégée par ces deux droits, vous pourrez utiliser deux fondements dans le cadre de votre action en contrefaçon. L’avantage est que si l’un n’est pas retenu par le tribunal, l’autre pourra l’être.
L‘action en contrefaçon de dessins ou modèles
Lorsqu’un dessin ou modèle enregistré auprès de l’EUIPO ou de l’INPI protège votre création de mode vous bénéficiez d’un titre.
Ce titre vous permet d’agir en contrefaçon contre la copie, et vous dispense de rapporter la preuve des conditions de la protection.
De nombreux créateurs déposent leurs créations de mode en tant que dessin ou modèle. Pour rappel, les dessins et modèles protègent l’apparence du produit telle qu’enregistrée. Cette protection de l’apparence permet d’être efficace contre les copies identiques ou similaires à votre création, conçues par un concurrent.
La contrefaçon sera retenue dès lors que la copie produira la même impression d’ensemble que celle produite par votre création (article L.513-5 du Code de la propriété intellectuelle).
Les tribunaux examinent si la copie reproduit les caractéristiques essentielles de votre création de manière à engendrer une même impression d’ensemble (Tribunal judiciaire de Paris 5 avril 2024 n° 21/15174).
Focus sur le dessin et modèle communautaire non enregistré
⚠️ Une création de mode qui serait nouvelle, disposerait d’un caractère individuel et dont la première divulgation aurait eu lieu sur le territoire de l’Union européenne peut être protégée par un dessin ou modèle communautaire non-enregistré (DMCNE). Ce mécanisme offre une protection limitée à 3 ans à compter de la première divulgation de la création.
Il ne peut jouer qu’en cas de copie à l’identique de la création protégée. Il est également nécessaire que l’auteur de la copie soit animé d’une intention de nuire.
La protection offerte par le dessin ou modèle communautaire non-enregistré est donc limitée, et ne devrait pas constituer une stratégie de protection à part entière.
En effet, en l’absence de dépôt vous ne bénéficiez d’aucun titre, et devrez démontrer au juge que vous remplissez les conditions pour pouvoir bénéficier de la protection.
L’action en concurrence déloyale pour sanctionner l’atteinte à vos créations de mode
Les conditions de l’action en concurrence déloyale
L’action en concurrence déloyale peut s’exercer seule ou en complément d’une action en contrefaçon. Elle ne nécessite pas la détention d’un droit de propriété intellectuelle sur la création de mode. Vous pouvez donc exercer cette action même si vous n’avez réalisé aucun dépôt ou que votre création n’est pas considérée comme “originale” au sens du droit d’auteur.
L’action en concurrence déloyale est introduite uniquement devant les juridictions civiles.
Elle est fondée sur l’article 1240 du Code civil qui dispose que “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”
Plus précisément, la concurrence déloyale est le fait de porter atteinte à la concurrence sur un marché en recourant à des procédés contraires aux règles et usages du commerce.
“Constitue un acte de concurrence déloyale tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale”.
article 10 bis CUP
Il existe quatre formes de concurrence déloyale :
- la concurrence déloyale par imitation
- la désorganisation
- le dénigrement
- le parasitisme.
Dans l’hypothèse d’une copie de votre création de mode par un concurrent, les actes punissables concernés seraient la concurrence déloyale par imitation et le parasitisme.
Focus sur la concurrence déloyale par imitation
En matière de concurrence déloyale par imitation, les tribunaux ont pu affirmer que
“Le principe de la liberté du commerce implique qu’un produit qui n’est pas l’objet de droits privatifs peut être librement reproduit et commercialisé à moins que la reproduction ou l’imitation du produit ait pour objet ou pour effet de créer un risque de confusion entre les produits dans l’esprit du public, comportement déloyal constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil.” (Cour d’appel de Paris – Pôle 5 – Chambre 2 – 12 janvier 2024 n° 22/04130)
Focus sur le parasitisme
Le parasitisme est défini comme “l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts, de son savoir-faire, et de ses investissements” (Chambre commerciale de la Cour de cassation 26/01/1999 n°96-22.457) ou encore de sa notoriété (Cour d’appel de Paris 10/11/2023 n° 21/1912)
Le parasitisme s’apprécie au regard d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité. Il ne s’agit pas d’un acte isolé.
L’enjeu sera d’argumenter qu’en copiant vos créations, la marque concurrente n’a pas eu besoin d’investir dans la recherche des tendances et inspirations stylistiques. Elle n’a pas eu besoin d’effectuer d’efforts créatifs particuliers. Ce comportement est constitutif d’une faute. Cette dernière vous a causé un préjudice.
Par conséquent, il sera possible d’obtenir des dommages et intérêts sur ce fondement.
Par exemple, une société a été condamnée à payer 1 500 000 euros de dommages et intérêts, notamment, pour avoir commercialisé des copies de sacs, de lunettes, de bijoux et d’articles en cuir issus d’une seule et même collection créée par une autre société (Cour d’appel de Paris 10/11/2023 n° 21/1912).
💡Lorsqu’une seule de vos créations de mode est copiée, le parasitisme peut être difficile à démontrer. En revanche, si vous arrivez à prouver que toute une collection a été copiée de manière délibérée, le parasitisme pourra être caractérisé.
Le parasitisme est plus facilement retenu lorsqu’il y a eu une répétition d’actes.
Le cabinet vous accompagne dans la résolution amiable et judiciaire de vos litiges liés à la copie de vos créations de mode.
- analyse juridique de votre situation
- détermination des fondements juridiques adéquats, recherche et analyse des décisions similaires rendues
- assistance dans la réunion des preuves
- tentative de négociations, rédaction de transactions
- rédaction d’actes de procédure, représentation devant les juridictions, audiences, suivi, exécution de la décision.
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