En tant que porteur de projet vous avez tout de suite pensé à déposer une marque pour concrétiser et sécuriser votre nouvelle activité. Mais avez-vous pensé à protéger vos créations ?
Créateur dans le secteur de la mode, des parfums ou des bijoux, d’autres mécanismes de protection peuvent vous être utiles au cours de la vie de votre projet.
Bonne nouvelle : ils peuvent même se cumuler !
Prenons l’exemple du parfum pour faire un tour d’horizon de tous les modes de protection disponibles.
Protéger le flacon d’un parfum : trois outils disponibles
Destiné à orner les coiffeuses et salles de bains de ceux qui les portent, un flacon de parfum peut constituer un véritable argument de vente auprès des consommateurs.
Certaines marques regorgent d’imagination pour concevoir des flacons aux formes originales et singulières.
D’autres parfumeries préfèrent opter pour des formes de flacon plus classiques, qui n’en restent pas moins iconiques.
Mais comment cet aspect du produit peut-il être protégé ?
Déposer une marque tridimensionnelle
Par définition, une marque de produits ou de service est un signe servant à distinguer les produits et services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes, et notamment des concurrents (article L.711-1 du Code de la propriété intellectuelle).
L’une des conditions de validité d’une marque est l’exigence de distinctivité.
Si on pense dans un premier temps à déposer une marque verbale ou un logo (signe semi-figuratif ou figuratif), on ne pense pas spécialement à protéger une forme à titre de marque.
Pourtant, il est tout à fait possible de procéder à ce type de dépôt. Il s’agit d’une marque de forme.
Également appelée marque tridimensionnelle, le critère de distinctivité sera rempli uniquement si la marque diverge de la norme ou des habitudes du secteur et est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’indication de l’origine du produit.
En effet, en l’absence d’élément graphique ou textuel, un consommateur lambda ne fera pas toujours un lien direct entre la forme d’un flacon et l’entité qui la commercialise.
💡 Les parfums sont répertoriés dans la classe n°3 de la Classification de Nice.
💡 En tant que créateur, vous pouvez tout à fait déposer plusieurs marques, de types différents : une marque verbale, une marque figurative, une marque de forme… Il faudra alors procéder à autant de dépôts que de marques dont vous souhaitez l’enregistrement.
Il faudra être attentif à la qualification choisie lors des dépôts, puisque seul ce qui est inscrit dans le certificat d’enregistrement détermine l’objet et l’étendue de la protection de la marque.
Déposer un dessin ou un modèle
Le flacon d’un parfum peut être protégé au titre d’un dessin (2 dimensions) ou d’un modèle (3 dimensions).
En effet l’article L.511-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoit : « Peut être protégée à titre de dessin ou modèle l’apparence d’un produit, ou d’une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation. »
Pour ce type de protection, il s’agit de protéger uniquement l’apparence du produit ou de l’une de ces parties, si deux conditions sont réunies :
- La nouveauté : un produit est nouveau lorsqu’il diffère de ce qui existe déjà sur le marché
- Le caractère propre : un produit présente un caractère propre lorsqu’il suscite une impression générale différente des dessins et modèles qui existent déjà
En tant que créateur de mode ou de bijoux, vous pouvez naturellement être amené à envisager la protection de l’apparence de vos produits ou de certaines de leurs caractéristiques.
Pour protéger toute une collection à moindre frais, vous pouvez opter en France pour un dépôt simplifié permettant de déposer jusqu’à 100 modèles via un seul formulaire de dépôt.
⚠️ Le dépôt d’un dessin ou d’un modèle nécessite certaines exigences techniques : format, type de représentation, couleurs de fond, etc.
⚖️ Faites appel au cabinet pour être conseillé si vous envisagez de déposer des dessins ou modèles de votre collection.
La protection par le droit d’auteur
L’article L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle dresse une liste non limitative des œuvres de l’esprit susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur.
Dès lors, la protection d’une bouteille de parfum au titre des droits d’auteur ne pose en principe aucune difficulté si sa forme répond bien au critère de l’originalité, unique condition requise pour une protection par ce mécanisme.
Par exemple, la reconnaissance de droits d’auteur a été retenue pour le flacon du parfum J’Adore de Christian Dior : « le flacon utilisé pour la commercialisation du parfum J’Adore de Christian Dior qui se caractérise par la forme d’une goutte d’eau, étirée, sur laquelle se fixe dans son prolongement un bouchon très allongé, composé de nombreux anneaux métalliques superposés, lui-même surmonté d’une boule en verre transparente […] l’auteur a ainsi manifesté par la combinaison de ces caractéristiques […] l’empreinte de se personnalité qui confère au flacon son originalité » (CA Paris, 4ème chambre, 8 avril 2005, Parfums Christian Dior c/ Technique de la Source).
En matière de bijoux, la protection par le droit d’auteur est également accordée si l’empreinte de la personnalité de l’auteur est démontrée.
Les juges français se sont récemment prononcés positivement sur cette question, et ont donné raison aux deux maisons de Luxe Hermès et Cartier à propos de leurs collections de bijoux iconiques (concernant Cartier la décision n’est toutefois pas définitive).
Protéger la fragrance d’un parfum : quelles limites ?
Notes fruitées, boisées, florales, épicées ou aromatiques, la fragrance d’un parfum est la caractéristique qui le rend unique.
Mais comment sa « recette » peut-elle être protégée ?
Dépôt de marque olfactive : une méthode non explorée
Une fragrance par essence n’est ni visible ni palpable. Pourtant certains parfums sont si particuliers et uniques qu’il suffit de les sentir pour les reconnaitre et les associer à une entreprise ou une maison de luxe. N’est-ce pas la définition de la marque ?
Pour pouvoir déposer un signe dans un registre de marques, celui-ci doit pouvoir être représenté afin de l’identifier et le répertorier, pour que toute personne puisse déterminer l’objet de la protection concernée.
Jusqu’à la réforme du droit des marques de 2019, qu’il soit représenté sous la forme d’une formule chimique, par une description de mots ou au travers d’un échantillon olfactif, ce type de marque était toujours refusé, faute de pouvoir la représenter graphiquement.
Il était précisé qu’une marque devait être « claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective » (CJCE, 12 déc. 2002, aff. C-273/00, Sieckmann), ce qui n’était pas le cas des trois modes de représentation proposés.
Dans cette affaire, le déposant souhaitait déposer une odeur de « balsamique fruitée avec une légère note de cannelle ».
Cette appréciation excluait d’office la possibilité de déposer une marque olfactive ou gustative par exemple.
La dernière réforme du droit des marques issue de la loi PACTE a supprimé l’exigence de représentation graphique qui était requise auparavant pour déposer une marque.
A ce jour, même si cette exigence a disparu, aucune marque olfactive ne semble avoir été enregistrée.
Dépôt de brevet : un outil peu adapté
Un brevet protège un produit ou un procédé qui apporte une solution à un problème technique. Il doit être nouveau.
En théorie, une fragrance pourrait être déposée en tant que brevet en dépit de son absence de palpabilité.
Le brevet échoue cependant à devenir un mode de protection adapté aux parfums dans la mesure où une odeur, dont la fonction première est de « sentir bon » pour la personne qui le porte, ne peut être considérée comme une solution à un problème technique.
Également, le dépôt d’un brevet implique une divulgation du procédé technique, ce qui pourrait rebuter les parfumeurs si la fragrance créée était tenue secrète.
En effet à l’expiration d’un délai de 20 ans, la formule tombe dans le domaine public.
En tant que créateur de marque de vêtements vous pourriez toutefois être amené à déposer un brevet si vous inventez une solution à une problématique technique.
Il existe par exemple un brevet français intitulé « SAC DU SOIR TRANSFORMABLE EN ROBE DU SOIR ET VICE VERSA » (brevet n° FR2639521).
Grâce à cette invention, un sac en bandoulière peut se transformer en une robe du soir moulante sur laquelle le sac est fixé.
Selon la description de l’inventeur, « Une fois dépliée la robe du soir peut être portée et le sac retrouve son usage de sac du soir toujours fixé à la robe ».
⚖️ Vous estimez que l’un des produits de votre collection permet de répondre à un problème technique, rapprochez-vous du cabinet pour savoir si votre invention est brevetable.
Droit d’auteur : le refus de la jurisprudence
Pour rappel la liste des œuvres de l’esprit susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur n’est pas limitative.
Comme la protection par le droit d’auteur ne requiert pas de dépôt préalable, ce sont les juges qui tranchent pour accorder ou non la protection à l’auteur qui revendique de tels droits en cas de litige.
Le Code de la propriété intellectuelle précise que sont protégés « les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. »
La question de la représentation, de la « forme d’expression » de la fragrance se pose à nouveau ici.
Si pour certains juges, l’indifférence de la forme d’expression penche en faveur de la protection d’une fragrance, les juges de la Cour de cassation adoptent une position radicalement différente en la matière.
Ils considèrent que « le droit d’auteur ne protège les créations dans leur forme sensible, qu’autant que celle-ci est identifiable avec une précision suffisante pour permettre sa communication » de sorte que « la fragrance d’un parfum qui, hors son procédé d’élaboration, n’est pas lui-même une œuvre de l’esprit, ne revêt pas une forme présentant cette caractéristique, ne peut dès lors bénéficier de la protection par le droit d’auteur » (Cass. com., 10 déc. 2013, n° 11-19.872)
Cette affaire concernait la marque Lancôme, dans le cadre d’une action en contrefaçon de marque, de droits d’auteur et d’actes de concurrence déloyale à propos de flacons de parfums contrefaisants découverts lors d’une braderie.
Le secret des affaires : un outil à maitriser
Il est possible de protéger le procédé d’élaboration d’un parfum par les dispositions relatives au secret des affaires.
Ce régime est prévu aux articles L.151-1 et suivants du Code de commerce et permet de protéger un savoir-faire, un secret de fabrication.
L’information secrète doit remplir trois critères pour prétendre à la protection par le secret des affaires :
- ne pas être accessible à tous
- avoir une valeur « commerciale, effective ou potentielle »
- faire l’objet d’une protection spécifique par son détenteur
Les mesures de protection spécifiques incluent la conclusion d’un accord de confidentialité ou accord de non-divulgation (NDA pour l’acronyme anglais) avec chaque personne impliquée dans l’élaboration ou la commercialisation du parfum.
C’est un contrat par lequel une ou plusieurs parties s’engagent à ne pas divulguer une ou plusieurs informations transmises par une ou plusieurs d’entre elles.
L’accord de confidentialité doit avoir une durée limitée, prévoir une définition précise des informations confidentielles. Il peut prévoir une clause pénale (somme d’argent à verser en cas de violation de l’accord). A défaut, ce sera au Tribunal de se prononcer sur le montant des dommages et intérêts pour réparer le préjudice causé à la victime de la divulgation.
Pour garder la preuve de la date certaine d’un secret, il est possible de déposer une enveloppe Soleau auprès de l’INPI. Cela permettra au détenteur de se constituer une preuve de détention.
🔒 Vous souhaitez garder le secret de vos créations ? Pensez à mettre en œuvre les mesures adéquates pour préserver le secret, notamment dans le cadre de vos relations avec divers interlocuteurs liés au projet (salariés, stagiaires, prestataires etc.).
Vous souhaitez un accompagnement juridique qualitatif et sur-mesure pour protéger vos créations ? Découvrez les services du cabinet et prenez rendez-vous pour un premier échange gratuit !
