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ToggleLe cuir que vous importez pour vos collections est-il traçable jusqu’à la parcelle d’élevage ?
À partir de décembre 2025, ce type de question ne relèvera plus de la RSE optionnelle, mais d’une obligation réglementaire. Le règlement européen sur les produits liés à la déforestation (EUDR) change la donne pour de nombreuses marques de mode.
Le règlement (UE) 2023/1115 s’applique notamment aux matières premières comme le cuir, le caoutchouc ou le bois, fréquemment utilisées dans la mode.
Il impose des obligations strictes en matière de traçabilité, de documentation et de gestion des risques, avec des sanctions prévues en cas de non-conformité. C’est un texte à anticiper dès maintenant.
Qu’est-ce que l’EUDR ?
L’EUDR, ou règlement (UE) 2023/1115, encadre l’accès au marché européen pour certains produits identifiés comme à risque de déforestation. Il a été adopté le 31 mai 2023 et entrera en application à partir de décembre 2025 pour les grandes entreprises, et juin 2026 pour les PME.
Ce texte interdit la mise sur le marché, la mise à disposition ou l’exportation de produits s’ils ne remplissent pas trois conditions cumulatives :
- Le produit ne doit pas être issu de terres déboisées après le 31 décembre 2020 ;
- Il doit avoir été produit dans le respect de la législation locale (droits fonciers, travail, environnement, etc.) ;
- Il doit être couvert par une déclaration de diligence raisonnée, déposée avant la commercialisation.
💡 Ce règlement s’inscrit dans la stratégie européenne de lutte contre la déforestation importée, avec un impact direct sur les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Quels produits sont concernés par l’EUDR ?
L’EUDR cible sept matières premières identifiées comme majeures dans la déforestation mondiale : bois, bétail, soja, cacao, café, huile de palme et caoutchouc.
Il s’applique également à tous les produits dérivés de ces matières premières, selon les codes douaniers listés à l’annexe I du règlement. Cela inclut des articles transformés, assemblés ou mélangés, dès lors qu’ils contiennent une part de matière concernée.
Dans le secteur de la mode, cela peut notamment concerner :
- le cuir, lorsqu’il est issu de bétail (peaux, cuir tanné, articles finis),
- le caoutchouc naturel, utilisé dans les semelles de chaussures, les élastiques, certains textiles techniques,
- certains meubles ou éléments de présentation (présentoirs, cabines, mobilier de boutique) en bois massif,
- certains emballages en papier ou carton dérivés de pâte de bois (étiquettes, boîtes, sachets, etc.).
Un produit entre dans le champ du règlement même s’il contient une faible quantité de matière concernée et même en cas de transformation ou d’assemblage.
Quelles marques de mode sont concernées par l’EUDR ?
Le règlement ne cible pas un secteur, mais tout acteur économique qui intervient dans la mise sur le marché ou l’exportation d’un produit concerné, quel que soit son rôle dans la chaîne d’approvisionnement.
Trois statuts sont définis :
L’opérateur amont : c’est l’entreprise qui met un produit concerné sur le marché de l’Union pour la première fois, à titre gratuit ou onéreux. Cela inclut notamment les importateurs, mais aussi les fabricants établis dans l’UE.
L’opérateur en aval : il s’agit d’une entité qui modifie, transforme ou assemble un produit concerné après sa première mise sur le marché. Elle doit garantir la conformité du produit fini.
Le commerçant : il met à disposition sur le marché un produit concerné sans le modifier. Il peut, dans certaines conditions, s’appuyer sur la documentation produite en amont.
À savoir : un opérateur en aval ou un commerçant ne peut s’appuyer sur la déclaration de diligence raisonnée d’un fournisseur que si celui-ci n’est pas une PME.
Quelles sont les obligations principales des marques ?
L’EUDR impose la mise en place d’un système de diligence raisonnée avant toute mise sur le marché ou exportation d’un produit concerné. Ce système repose sur trois étapes cumulatives, qui doivent être documentées et traçables avec :
Une collecte d’informations
Il s’agit de rassembler un ensemble de données sur chaque lot de produit concerné, notamment : la description du produit (nature, volume, code douanier), la matière première concernée (bois, cuir, caoutchouc…), l’identité du fournisseur ou encore lorsque requis, les coordonnées géographiques précises de la ou des parcelles d’origine.
Ces informations doivent permettre de tracer le produit jusqu’à sa source, et de prouver qu’il n’est pas lié à une déforestation postérieure au 31 décembre 2020.
Une évaluation du risque
L’entreprise doit ensuite analyser la probabilité que le produit ne soit pas conforme au règlement. Cette évaluation repose sur plusieurs critères, tels que : le niveau de risque du pays ou de la région d’origine, la complexité de la chaîne d’approvisionnement ou encore la fiabilité des documents transmis par les fournisseurs.
Cette analyse ne peut pas être générique : elle doit être adaptée à chaque lot ou flux de produit.
Une mise en œuvre de mesures d’atténuation
Si le risque identifié n’est pas négligeable, l’entreprise doit prendre des mesures concrètes pour réduire ce risque à un niveau acceptable. Cela peut inclure :
- des demandes de documents complémentaires au fournisseur,
- la réalisation d’audits externes ou de visites sur site,
- le renforcement des clauses contractuelles,
- voire le changement de fournisseur si nécessaire.
→ Ce système doit aboutir au dépôt d’une déclaration de diligence raisonnée par voie électronique. Tous les justificatifs doivent être conservés pendant cinq ans et présentés en cas de contrôle.
Quelles sanctions en cas de non-conformité ?
Chaque État membre doit définir un régime national de sanctions. En France, les détails seront fixés par décret. À ce stade, on sait que les autorités pourront :
- interdire ou suspendre la commercialisation ou l’exportation ;
- ordonner le retrait, la saisie ou la destruction des produits ;
- imposer des amendes proportionnées à la valeur ou au chiffre d’affaires ;
- exclure l’entreprise des marchés publics ;
- publier les décisions dans le cadre d’un dispositif de name and shame.
La charge de la preuve revient à l’entreprise. Même sans déforestation prouvée, un défaut de documentation ou d’analyse peut suffire à engager une sanction.
Et maintenant ?
Le règlement EUDR impose un nouveau standard en matière de traçabilité, de documentation et de responsabilité. Pour les entreprises du secteur mode, cela implique de repenser en profondeur certains flux, contrats et processus internes.
Comment anticiper concrètement la mise en conformité ?
La date limite approche : décembre 2025 pour les grandes entreprises, juin 2026 pour les PME. Plusieurs actions peuvent être engagées dès maintenant pour structurer votre conformité à l’EUDR :

Le cabinet MAKOUNDOU AVOCAT vous accompagne à chaque étape :
- l’analyse de vos flux et des produits concernés,
- la structuration de votre système de diligence raisonnée,
- la rédaction de clauses contractuelles adaptées,
- et la mise en cohérence avec les autres réglementations européennes (CSRD, AGEC, ESPR…).