Règlement européen interdisant les produits issus du travail forcé : quel impact pour le secteur de la mode ?

Règlement européen interdisant les produits issus du travail forcé : quel impact pour le secteur de la mode ?
À partir du 14 décembre 2027, tout produit lié au travail forcé, où qu’il soit fabriqué, pourra être interdit d’entrée ou retiré du marché européen.

Ce nouveau règlement marque un tournant en matière de régulation éthique des chaînes d’approvisionnement.

À l’heure où les Etats-Unis viennent de prolonger jusqu’à mi-2030 le Uyghur Human Rights Policy Act visant à interdire l’entrée sur le sol américain de matériaux et biens liés à la province du Xinjiang (source : Fashion Network), l’Union européenne adopte un texte qui sera applicable, dès le 14 décembre 2027, à toute zone géographique potentiellement concernée.

La synthèse du règlement

Le règlement (UE) 2024/3015 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2024 interdit la mise à disposition sur le marché de l’Union ainsi que l’exportation à partir du marché de l’Union de tout produit issu du travail forcé. Le texte sera applicable à partir du 14 décembre 2027, tandis que certaines mesures préparatoires sont entrées en vigueur depuis le 13 décembre 2024.

En effet, dans l’intervalle, la Commission Européenne élaborera des lignes directrices pour accompagner les démarches de mise en conformité des opérateurs économiques et le travail des autorités compétentes dans chaque Etat Membre.

La Commission créera une base de données répertoriant les zones et les produits présentant des risques de travail forcé afin d’accompagner le travail effectué par les autorités compétentes pour évaluer les violations éventuelles du règlement et d’aider les entreprises à identifier les risques sur leur chaine d’approvisionnement.

Sur la base d’une évaluation des risques, la Commission (en cas de recours au travail forcé en dehors de l’UE) ou les autorités des États membres (en cas de recours au travail forcé sur leur territoire) pourront ouvrir une enquête.

La définition du travail forcé

Le règlement retient la définition du travail forcé ou obligatoire figurant l’article 2 de la convention no 29 de l’Organisation internationale du travail (OIT) :

“ tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré”.

L’article prévoit des exceptions telles que le service militaire, les condamnations pénales ou encore les cas de force majeure (guerre ou sinistres).

L’OIT reconnait que le travail forcé constitue une atteinte grave à la dignité humaine et une grave violation des droits humains fondamentaux, contribue à perpétuer la pauvreté et fait obstacle à la réalisation d’un travail décent pour tous.

Le cadre règlementaire européen de la lutte contre le travail forcé

L’Union Européenne a mis en place un certain nombre de règles pour lutter contre le travail forcé.

  • La directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil harmonise la définition de la traite des êtres humains, y compris le travail ou les services forcés, et fixe des règles relatives aux sanctions minimales relatives à ces infractions.
  • Le règlement (UE) 2017/821 du Parlement européen et du Conseil oblige les importateurs de de minerais ou de métaux provenant de zones de conflit ou à haut risque à s’acquitter d’obligations liées au devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables.
  • Le règlement (UE) 2023/1542 du Parlement européen et du Conseil fixe des obligations des opérateurs économiques en matière de devoir de diligence dans leurs chaînes d’approvisionnement, y compris à l’égard des droits des travailleurs.
  • Le règlement (UE) 2023/1115 du Parlement européen et du Conseil impose une obligation de diligence raisonnée en ce qui concerne certains produits associés à la déforestation, y compris en ce qui concerne les droits de l’homme.
  • Les directives 2013/34/UE et (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil fait obligation aux États membres de veiller à ce que les plus grandes entreprises publient chaque année des déclarations non financièresdans lesquelles ils rendent compte de l’incidence de leur activité sur les questions environnementales, sur les questions sociales et de personnel et sur le respect des droits de l’homme, y compris sur le travail forcé et la lutte contre la corruption. Les informations à communiquer peuvent porter sur le recours au travail forcé dans leurs chaînes de valeur.

Quel est l’apport du nouveau règlement ?

Avant ce texte il n’existait pas de disposition du droit de l’Union habilitant les autorités des États membres à retenir un produit, le saisir ou en ordonner le retrait de façon directe sur la base de la constatation que celui-ci a été fabriqué, en tout ou partie, moyennant le recours au travail forcé.

Les textes prévoyaient uniquement des obligations de diligence et de communication d’informations à la charge de certains opérateurs économiques, ainsi que des sanctions pour les infractions liées au travail forcées, une fois celles-ci constatées.

Le nouveau règlement introduit une sanction “économique” plus directe en permettant la retenue en douane, la saisie ou le retrait du marché de l’Union des produits liés en tout ou parti du travail forcé.

En ce sens, il complète le cadre législatif et stratégique de l’Union en matière de travail forcé. Une coopération et un échange d’information entre les autorités douanières et le système d’information et de communication pour la surveillance des marchés (ICSMS) sera mis en place.

Comment se mettre en conformité ?

La Commission européenne va établir une base de données indicative et non exhaustive sur les zones géographiques à risque de travail forcé. Elle sera construite sur la base de données émanant d’organisations internationales, telles que l’OIT et les Nations unies, et d’établissements universitaires ou de recherche.

La base de données a vocation à :

  • aider les opérateurs économiques à déceler les risques éventuels de travail forcé dans leurs chaînes d’approvisionnement
  • soutenir le travail des autorités de contrôle afin qu’elles mobilisent leurs ressources en priorité sur les zones dans lesquelles le risque de violation de l’interdiction du travail forcé est le plus élévé.

La base de données sera accessible au public au plus tard le 14 juin 2026.

C’est également la date butoir fixée à la Commission pour élaborer et publier des lignes directrices à l’intention :

  • des opérateurs économiques, avec des dispositions particulières pour accompagner la mise en conformité des PME en considération de leurs moyens limités
  • des autorités compétentes pour leur travaux de contrôle
  • pour les autorités douanières concernant la coopération aux opérations de retenu, saisie, et retrait des marchandises liées au travail forcé
  • pour les Etats membres en matière d’enquêtes, procédures et sanctions.

A terme, l’article 12 du règlement prévoit la création et la mise à jour régulière par la Commission d’un site internet accessible au public, le portail unique sur le travail forcé, sur lequel figureront toutes les informations liées au travail forcé, y compris les décisions d’interdiction de produits. L’enjeu de préservation de la réputation d’une entreprise est accru en raison de cette publicité.

Quelles actions pour les marques de mode en pratique ?

Il convient donc, en tant que marque de mode, de suivre les travaux de la Commission sur le sujet.

Pour les entreprises soumises au devoir de vigilance et aux déclarations de performance non financière, aucune obligation supplémentaire ne s’ajoute à ce titre.

Lors de la réalisation de la cartographie des risques sur leur chaine d’approvisionnement, ces entreprises pourront à l’avenir utilement consulter la base de données de la Commission pour évaluer les risques sociaux liés à leur activité et prendre les mesures nécessaires.

Pour aller plus loin

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