CSRD ou l’avenir du reporting de durabilité : quels impératifs pour les marques de mode ?

CSRD OU L’AVENIR DU REPORTING DE DURABILITÉ : QUELS NOUVEAUX IMPÉRATIFS POUR LES MARQUES DE MODE ?
Actuellement la déclaration de performance extra financière est la norme en matière de reporting de durabilité des plus grandes entreprises.

Quels changements apporte la directive CSRD, transposée en droit français par une ordonnance du 6 décembre 2023 ?

Suite à la publication de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) au Journal de l’Union européenne le 16 décembre 2022, les obligations de reporting sur le développement durable seront étendues, à terme, à beaucoup plus d’entreprises qu’aujourd’hui.  

En France, depuis la transposition dans le Code de Commerce en 2017 d’une directive européenne de 2014, les plus grandes marques et maisons de mode doivent rendre publiques chaque année des informations dites “extra-financières” (DPEF) en plus des données financières. 

Ce processus implique la collecte, l’analyse et la communication de données liées aux performances environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) de l’entreprise.

L’objectif de la directive CSRD est d’harmoniser et de fiabiliser le reporting extra-financier des entreprises au sein de l’Union Européenne, afin de lutter notamment contre le greenwashing (écoblanchiment) et le corporate washing (blanchiment sociétal).

La France a transposé la directive CSRD par le biais d’une ordonnance en date du 6 décembre 2023, qui apporte des changements significatifs pour le reporting de durabilité des marques et maisons de mode

Pour mieux anticiper ces modifications, nous vous proposons de faire un tour d’horizon des changements à venir.

Le contenu d’un rapport ESG pour les marques et maisons de mode

La différence entre RSE (Responsabilité sociale des entreprises) et critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance)

La RSE est une notion qui s’ancre dans les pratiques des entreprises, leur permettant de démontrer leur engagement vis-à-vis des impacts positifs qu’elles souhaitent exercer sur l’environnement et la société. Ces dernières peuvent faire le choix d’intégrer des préoccupations sociales et environnementales dans leurs activités commerciales et dans leurs relations avec leurs parties prenantes. 

Les critères ESG sont, pour leur part, utilisés pour évaluer la performance RSE d’une entreprise

Ces deux notions sont donc complémentaires. Après avoir adopté des pratiques RSE dans le cadre d’une démarche volontaire, les marques et maisons de mode engagées peuvent utiliser des données ESG comme indicateurs de performance des actions entreprises en matière de durabilité

Le contenu du reporting ESG 

Les obligations de divulgation d’informations non financières par les entreprises ne cessent de croître dans la réglementation. 

Jusqu’à présent, la Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF) était la référence en termes de reporting ESG en France (voir articles L. 225-102-1 et suivants du Code du commerce). Mais cette dernière va bientôt disparaître au profit du reporting de durabilité (ou reporting ESG) instauré par la CSRD. 

Face au manque d’harmonisation des critères utilisés par les entreprises européennes pour élaborer leur reporting de durabilité, la CSRD permet de structurer et renforcer les règles de divulgation de ces informations.

Les marques et maisons de mode assujetties à la DPEF qui utilisaient les Objectifs de développement durable (ODD) ou bien les normes du Global Reporting Initiative (GRI) comme références pour structurer leurs rapports devront désormais : 

  • Utiliser des normes plus encadrées dites normes européennes d’informations sur le développement durable (ou ESRS) axées sur 12 thématiques.
  • Prendre en considération le principe dit de double matérialité.

Les normes ESRS pour l’application de la CSRD

Concernant les normes ESRS, les entreprises et marques de mode devront se servir de ces dernières pour communiquer sur des sujets de durabilité. 

Ces normes portent notamment sur le changement climatique (norme ESRS E1), la pollution (norme ESRS E2), les travailleurs sur la chaîne de valeur (norme ESRS S2) ou encore l’impact sur la biodiversité et les écosystèmes (norme ESRS E4). 

La divulgation de l’ensemble des informations présentes dans les normes n’est pas strictement obligatoire, à l’exception de celles dites “d’informations générales”.

En effet, votre marque ou maison de mode doit effectuer une auto-évaluation sur la pertinence des indicateurs dans le cadre du rapport ESG. 

Le principe de double matérialité 

Pour effectuer cette auto-évaluation, il convient d’utiliser le principe de double matérialité

Ce principe permet d’évaluer, pour chaque indicateur, les impacts positifs et négatifs sur l’environnement et la société des activités de l’entreprise (matérialité d’impact) ; mais également les risques ou opportunités environnementaux et sociaux auxquels l’entreprise pourrait être exposée (matérialité simple). 

L’indicateur est pertinent pour l’entreprise et doit par conséquent faire l’objet d’un reporting seulement si l’une de ces deux conditions est remplie

EXEMPLE

Prenons l’exemple des indicateurs présents dans la norme sur les ressources et l’économie circulaire (ESRS E5).

Selon cette norme, une entreprise devra faire le choix de publier des informations sur : 

  • la manière dont elle traite l’abandon progressif de l’utilisation de ressources vierges, y compris les augmentations relatives de l’utilisation de ressources secondaires (recyclées)
  •  l’approvisionnement durable et l’utilisation de ressources renouvelables 

En ce qui concerne la matérialité d’impact, si vous avez choisi de réduire l’utilisation de ressources vierges dans la fabrication de vos  produits ou collections, vous contribuerez positivement à la préservation des ressources naturelles et à la réduction de la pollution

Concernant la matérialité simple, vous devrez évaluer la disponibilité des matières de remplacement choisies pour anticiper d’éventuelles variations de marché. 

Les deux conditions de matérialité étant remplies, ces informations peuvent être jugées comme pertinentes pour votre rapport ESG.

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L’application de ces normes est progressive dans le temps, et d’intensité variable selon les entreprises. Par exemple, les marques et maisons de mode de moins de 750 salariés pourront faire le choix de ne pas communiquer certaines données comme les émissions de gaz à effet de serre (GES) du “scope 3” du bilan carbone et celles sur leur « main-d’œuvre propre ».

Votre conformité à la CSRD en tant que marque ou maison de mode

Les marques et maisons concernées par la CSRD

Les marques ou maisons de mode seront progressivement amenées à produire un rapport ESG d’ici à 2029 (selon leur taille et catégorie d’entreprise). 

Les sociétés cotées dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé (hors petites et moyennes entreprises dites “PME”), indifféremment de leur taille, devront fournir un rapport ESG en 2025 (sur leur exercice de 2024). 

Pour les PME cotées, (ne dépassant pas deux des trois seuils suivants : total de bilan inférieur à 20 millions d’euros, chiffre d’affaires inférieur à 40 millions d’euros et nombre moyen de salariés inférieur à 250) une application progressive est prévue jusqu’en 2028

Les micro-entreprises cotées sont, quant à elles, exemptées du champ d’application de la CSRD.

Les grandes entreprises non cotées (dépassant les trois seuils suivants : total de bilan supérieur à 20 millions d’euros, chiffre d’affaires net supérieur à 40 millions d’euros et nombre moyen de salariés supérieur à 250) devront, quant à elles, fournir un rapport ESG en 2026 (sur leur exercice de 2025). Les filiales qui remplissent ces seuils, mais incluses dans le rapport de gestion du groupe auxquelles elles sont rattachées, sont cependant exemptées. 

Les entreprises européennes dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé européen, indifféremment de leur taille, devront fournir un rapport ESG en 2029 (sur leur exercice de 2028). 

Catégorie d’entrepriseValeur du bilanMontant du chiffre d’affaireNombre de salariésDate de début de l’obligation de produire un  reporting ESG
Entreprises cotées dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé (hors PME) IndifférentIndifférentIndifférentEn 2025 (sur l’exercice de 2024)
PME cotées< 20 millions d’euros< 40 millions d’euros< 250En 2029 (sur l’exercice de 2028)

Application progressive et adaptée de 2024 à 2028
Micro-entreprises cotées< 350 000 euros< 700 000 euros< 10 Exemption totale du champ d’application de la CSRD
Grandes entreprises non-cotées> 20 millions d’euros> 40 millions d’euros> 250En 2026 (sur l’exercice  de 2025)
Filiales de groupe incluses dans le rapport de gestion de groupe de la société mèreIndifférentIndifférentIndifférentExemption si leurs informations ESG sont fournis dans le rapport du groupe
Entreprises européennes dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé européenIndifférentIndifférentIndifférentEn 2029 (sur l’exercice de 2028)
Champ d’application du reporting de durabilité

Le contrôle et la certification du rapport ESG

La singularité de la CSRD provient aussi du fait qu’elle impose un contrôle et une certification du rapport de durabilité

Le contrôle

La directive prévoit qu’une autorité indépendante sera chargée de surveiller les questions de durabilité

En décembre 2022, la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC) a annoncé que cette responsabilité pourrait être confiée au Haut Conseil du Commissariat aux Comptes (H3C) qui, disposant de missions élargies, serait renommée “Haute Autorité de l’Audit” (H2A)

Le détail concernant l’organisation et les missions de cette autorité sera apporté par l’ordonnance de transposition de la directive. 

La certification

Après avoir rédigé leur rapport ESG, les entreprises de mode devront par ailleurs faire appel à un organisme indépendant pour confirmer que leurs informations de durabilité correspondent aux attentes de la directive.

Bon à savoir : parmi la liste des professions pouvant répondre à cette fonction figure l’avocat !

Il faut cependant vérifier que le contrôleur auquel vous vous adressez soit accrédité. 

L’avis de cet auditeur est important puisqu’il doit figurer dans une section spécifique du rapport ESG de la marque ou maison de mode.

Les sanctions en cas de non-respect des obligation de reporting de la CSRD

En tant que marque ou maison de mode, vos dirigeants peuvent voir leur responsabilité civile engagée. Si vous rentrez dans le champ d’application de la directive, dès aujourd’hui ou à horizon des prochaines années, il est donc important de bien se préparer à remplir les obligations posées par cette dernière. 

De plus, il est aussi important de rappeler que, dans une société de plus en plus désireuse de voir l’industrie de la mode se tourner vers des pratiques éthiques et durables, se conformer aux dispositions de la directive permet de renforcer votre image de marque ou de maison engagée et responsable.

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