Upcycling et Propriété intellectuelle : quel avenir pour cette tendance ?

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Le développement de l’upcycling, qui mêle créativité et circularité, rencontre ses limites en matière de propriété intellectuelle. Illustration à l’aune de litiges récents aux USA opposant des maison de luxe et des créateurs d’upcycling.

Les affaires d’upcycling s’enchainent et secouent la sphère mode.

En février 2021, la maison Louis Vuitton s’engage dans un litige l’opposant à une créatrice de pièces d’upcycling, Sandra Ling Design, devant les tribunaux du Texas aux États Unis.

Le même mois, c’est la maison Chanel qui assigne la société S+D devant les tribunaux de l’état de New York pour dilution de sa marque et contrefaçon, car la créatrice d’upcycling fabriquait des bijoux à partir de boutons Chanel.

Les deux affaires se sont terminées par un accord à l’amiable entre les parties, qui devra homologué par le tribunal.

Qu’est-ce que l’upcycling ?

L’Upcycling est une pratique créative née dans les années 90 consistant en la récupération d’éléments pour “créer du neuf avec du vieux”. Dans le milieu de la mode, cette pratique est en plein essor, souvent synonyme de récupération de produits comportant des marques reconnaissables, afin de créer une nouvelle pièce.

Le problème juridique que cela pose est justement un problème de droit des marques. Une marque a pour but de distinguer les produit et service d’une entreprise de ceux de ses concurrents. C’est un signal fort qui indique une provenance et une qualité.

Quelle est la problématique juridique de l’upcycling en propriété intellectuelle ?

L’upcycling, tout comme la contrefaçon, brouille ce signal envoyé par la marque.

Mais l’upcycling, contrairement à la contrefaçon, n’essaie pas de se faire passer pour un produit original. La démarche, à la fois créative et écologique a pour but de réutiliser autrement pour remettre au goût du jour, donner une nouvelle vie à une pièce et ne pas jeter.

L’upcycling est de toute évidence un nouveau marché du milieu de la mode, entre la seconde main et la création originale. Alors que ce marché se développait à l’ombre de la justice depuis quelques années, comment expliquer ces litiges qui apparaissent ?

Il est simplement possible que Louis Vuitton et Chanel soient en train de faire du ménage sur le marché afin de se le réserver, en upcyclant eux même leurs produits, comme Louis Vuitton l’a récemment fait pour une collection de sneakers :

Source : LV

Ainsi, la stratégie est d’attaquer les plus gros revendeurs d’upcycling afin d’avertir tout le marché que la contrefaçon de leur marque ne restera plus impunie.

Quels sont les litiges ayant opposé les maisons de luxe à des créateurs d’upcycling ?

Les affaires ayant impliqué Louis Vuitton et Chanel est sont premier lieu un litige portant sur une contrefaçon de marque. Il est incontestable que SLD comme S+D ont repris et réutilisé le logo et le nom des marques sur leurs créations (voir photos).

Source : The Fashion Law
Source : The Fashion Law

Cependant, les créateurs d’upcycling se défendent en utilisant deux arguments principaux :

  • L’épuisement des droits : C’est un principe qui dicte que la première vente d’un objet porteur d’un droit de propriété fait perdre au créateur ses droits sur cet exemplaire. Ce principe est crucial car sans lui, pas de seconde main, mais il est soumis à une exception que ne remplissent pas les créateurs d’upcycling : l’objet ne doit pas avoir été modifié.
  • Apposition de « disclaimers » indiquant qu’ils ne sont pas affiliés à la maison de mode dont ils utilisent les marques. Les avocats adverses rétorquent cependant que ces disclaimers ne sont valables que pour la première vente, mais pas dans les usages subséquents du bijou ou de l’objet.

Le coeur du litige a porté sur le principe de l’épuisement des droits et son exception principale : il est interdit de commercialiser une version modifiée de l’objet, notamment qui ne présente pas la même qualité que le produit initial.

Les créateurs d’upcycling se sont se sont défendus en arguant que malgré la modification évidente des produits originaux Louis Vuitton et Chanel, l’exception est inapplicable car il s’agit d’upcycling. Pour les créateurs, il est impossible que cela apporte un préjudice à l’image de marque de Louis Vuitton car elle précise dans ses offres de vente qu’il ne s’agit pas de produits originaux Louis Vuitton mais de produits upcyclés, fait à partir d’éléments ayant été jetés.

La société S+D va plus loin dans cet argument, en soutenant que la qualité de son produit est équivalente aux produits de bijouterie fantaisie déjà commercialisés par Chanel. De ce fait, Chanel ne subit aucun dommage de dépréciation de sa marque.

Et si les affaires avaient été jugées en France ?

Nous ne saurons jamais comment le tribunal texan aurait jugé l’affaire. En France, SLD aurait pu se défendre par la liberté de création, instaurée par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 2016-925). Cette liberté permet de mettre en balance le droit de propriété intellectuelle de quelqu’un et la liberté de création de quelqu’un d’autre afin de trouver un équilibre au cas par cas entre les intérêts des parties.

Une affaire Ashby Donald c/ France jugée par la 5e section de la Cour Européenne des Droits de l’Homme le 10 janvier 2013 (n° 36769/08) a donné l’occasion aux juges d’opérer cette mise en balance dans le milieu de la mode. Des photographies avaient été prises d’un défilé de mode, représentant la collection du créateur. Le photographe exploitant les photographies, le créateur a mené une action en contrefaçon contre le photographe.

Les juges ont opéré un contrôle de proportionnalité entre le droit de propriété intellectuelle du créateur de mode et la liberté d’expression du photographe.

“La Cour estime en outre qu’elle poursuivait l’un des buts légitimes énumérés par le second paragraphe de l’article 10 de la Convention – la protection des droits d’autrui – dès lors qu’elle visait à préserver les droits d’auteur des maisons de mode dont les créations étaient l’objet des photographies litigieuses”.

De ce litige, le créateur de mode est sorti gagnant, la Cour protégeant son droit. Mais, ce litige souligne que la mise en balance des droits est indispensable.

En attendant d’autres litiges similaires, nous pouvons nous interroger sur le futur de l’upcycling de vêtements de marque, qui semble assez incertain sous l’empire de l’exception à l’épuisement des droits.

Nos conseils pratiques si vous souhaitez lancer une collection upcyclée :

  • Dans la mesure du possible, ne pas laisser de logo de marque apparent sur vos créations
  • Afficher clairement tous les disclamers applicables concernant la provenance de la matière première, si elle est reconnaissable
  • Engager des partenariats avec les marques dont vous souhaitez upcycler les produits

Vous avez besoin d’un accompagnement juridique pour vérifier la conformité de vos créations upcyclés

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