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ToggleAu département communication, création de mode ou développement web, un stagiaire peut être amené à réaliser des travaux protégés par un droit de propriété intellectuelle. Quelles sont les bonnes pratiques à adopter en tant qu’entreprise d’accueil ?
À l’inverse des alternants, les stagiaires accueillis au sein d’une entreprise privée ne sont pas des salariés de cette entreprise. Ils relèvent d’un régime particulier, qui se reflète aussi dans la gestion des droits de propriété intellectuelle sur les œuvres qu’ils pourraient être amenés à créer dans le cadre de leur stage.
Le stagiaire créateur
De nombreuses marques de mode font appel à des stagiaires pour travailler sur leur communication. Parmi les projets confiés, on retrouve par exemple la création de contenu pour les réseaux sociaux, la refonte d’un site internet ou d’une charte graphique.
D’autres marques accueillent des stagiaires au sein du département création, pour réaliser des moodboards, voire dessiner des pièces.
Les créations de mode, les logos et les photographies sont protégés par le droit d’auteur dès lors qu’ils sont originaux (art. L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle).
Toutefois, le droit d’auteur ne protège pas les simples idées.
Qui est alors titulaire des droits lorsque l’œuvre est créée par un stagiaire ?
Le stagiaire, en tant qu’auteur d’une œuvre de l’esprit, jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous (art. L.111-1 CPI). Par conséquent, il bénéficie des droits d’auteur sur l’œuvre qu’il a créée.
Il existe deux possibilités pour que l’entreprise devienne titulaire des droits sur l’œuvre créée par le stagiaire :
L’œuvre peut être qualifiée d’œuvre collective
Pour cela, l’oeuvre doit remplir les conditions suivantes (art. L.113-2 CPI) :
– être créée sur l’initiative et sous la direction de l’entreprise ;
– être éditée, publiée et divulguée sous le nom de l’entreprise ;
– avoir été réalisée à plusieurs et les contributions des auteurs doivent être indissociables.
L’œuvre collective est alors la propriété de la personne sous le nom de laquelle elle est divulguée (art. L.113-5 CPI).
Ceci s’applique particulièrement bien aux cas où le stagiaire est intégré dans une équipe créative composée d’au moins deux personnes, et que les travaux de l’équipe répondent à des consignes de direction artistique.
Pour des photographies réalisées dans le cadre de la promotion de collections, la Cour d’Appel de Paris a pu retenir la qualification d’œuvre collective appartenant à l’employeur. En effet, la société avait pris l’initiative des différents shootings, dirigé et contrôlé le processus de création puis divulgué l’ensemble des photographies sous son nom (CA Paris, Pôle 5 – Chambre 2, 30 juin 2023, 21/13981).
Le stagiaire cède ses droits d’auteur
Si l’œuvre n’est pas qualifiée de collective, le stagiaire est titulaire des droits d’auteur. Il existe deux modalités contractuelles pour prévoir la cession des droits d’auteur :
Conclure un contrat de cession de droits
Pour rappel, une cession de droits valable doit être faite par écrit et comporter certains éléments obligatoires : les droits cédés, les limitations géographiques et temporelles ainsi que la rémunération prévue (art. L.131-2 et suivants CPI).
Attention néanmoins : le Code de la propriété intellectuelle pose un principe de nullité des « cessions globales d’œuvres futures » (art. L.131-1 CPI). Il n’est pas possible de s’engager à céder par avance à la société toutes les œuvres futures non encore créées, sans autre détail ni limite. Une telle clause générale de cession est nulle.
Il est alors conseillé de faire signer au stagiaire une promesse de cession au début du stage. Puis en fin de stage, il devra alors signer une cession de droits d’auteur portant sur la ou les créations auxquelles il a contribué.
Il est également possible de réitérer régulièrement la cession des droits du stagiaire au profit de la société au fur et à mesure des nouvelles créations.
Il convient donc de prêter une attention particulière à la formulation des clauses de cession de droits et au moment de leur signature.
Le cabinet vous accompagne pour la rédaction de vos documents contractuels types.
Vérifier la clause de cession de droits au sein de la convention de stage
Si une clause de cession de droits est incluse dans la convention de stage, il est néanmoins recommandé de faire confirmer cette cession à l’issue du stage par la signature d’un document détaillant les créations effectivement réalisées par le stagiaire.
La pratique montre que certaines conventions de stage prévoient que les droits sur les créations réalisées par le stagiaire appartiendront à ce dernier et que la société devra lui attribuer une rémunération spécifique si elle souhaite en acquérir la propriété. Soyez donc vigilants au moment de signer les conventions de stage !
Des clauses de confidentialité peuvent également être incluses dans le contrat ou la convention de stage. Elles ont pour but de protéger les informations, savoir-faire et connaissances qui appartiennent à l’entreprise.
Le stagiaire inventeur ou codeur
Vous pouvez être notamment amené à faire appel à des stagiaires pour participer à la conception et au développement de logiciels ou de plateformes (logiciels de traçabilité, plateformes innovantes…).
En institut de recherche, par exemple pour élaborer des textiles innovants, un.e stagiaire peut contribuer à la réalisation d’une invention brevetable.
Qu’en est-il des stagiaires qui, au cours de leurs missions, sont à l’origine d’une invention ou d’un logiciel ?
Jusque récemment, une insécurité juridique entourait les inventions et les logiciels créés par des stagiaires, qui ne bénéficiaient pas des dispositions spécifiques aux salariés.
Cette insécurité juridique était d’autant plus grande que les conventions de stages ne traitent pas toujours des droits sur les inventions des stagiaires et que la légalité de certaines conventions attribuant à la structure d’accueil les droits sur les inventions ou créations était contestée par la jurisprudence (CNRS v. Puech, Cass. Com., 25 avril 2006 ; CA Paris, 29 mai 2013).
L’ordonnance n°2021-1658 du 15 décembre 2021 aligne désormais le régime des inventions et logiciels créés par des non-salariés, principalement des stagiaires, sur celui des créations de salariés ou agents publics (art L611-7-1 et art L113-9-1 CPI).
Le régime des inventions brevetables de stagiaires
Voici les dispositions spécifiques qui régissent les inventions de salariés et de stagiaires :
– elles appartiennent à l’employeur si elles sont faites par le salarié ou stagiaire dans l’exécution d’un contrat de travail comportant une mission inventive ou d’étude et de recherches qui lui sont spécifiquement confiées (inventions dites « de mission ») ;
– l’employeur peut se faire attribuer la propriété ou la jouissance de ces inventions lorsqu’elles sont faites par un salarié ou le stagiaire au cours de l’exécution de ses fonctions ou dans le domaine des activités de l’entreprise ou par la connaissance ou l’utilisation des techniques, moyens ou données de l’entreprise (inventions dites « attribuables »).
Cela oblige au paiement par l’employeur d’une « rémunération supplémentaire » en cas d’invention de mission ou d’un « juste prix » pour les inventions attribuables.
Le régime des logiciels développés par des stagiaires
De même, les droits patrimoniaux sur les logiciels créés par un ou plusieurs salariés ou stagiaires dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur.
Vous accueillez votre premier stagiaire ou prévoyez de le faire régulièrement ? Contactez le cabinet pour une analyse de vos besoins et la mise en place des documents types de gestion des droits de propriété intellectuelle et de confidentialité.