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TogglePour dessiner les vêtements de votre collection, vous avez pris diverses inspirations, tenu compte de contraintes techniques ou cherché à répondre à un besoin fonctionnel. Au final, vous estimez que le résultat est unique. Vous avez donc le réflexe de protéger les vêtements de votre collection de mode.
Mais voilà, on vous a dit que déposer un dessin ou modèle était compliqué, cher et ne servait à rien, qu’il suffisait qu’un concurrent mette sur le marché un modèle présentant 7 différences avec le vôtre pour que ce ne soit déjà plus considéré comme de la copie.
Alors finalement, vous vous demandez si cela vaut la peine de dépenser de l’argent pour essayer de protéger vos designs. Faisons le point ensemble !
Un vêtement est-il protégeable par le droit d’auteur ?
En France, toutes les “oeuvres de l’esprit” sont protégées par le droit d’auteur.
En droit de la propriété intellectuelle, on distingue divers types d’oeuvre dont les suivantes :
14° Les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure. Sont réputées industries saisonnières de l’habillement et de la parure les industries qui, en raison des exigences de la mode, renouvellent fréquemment la forme de leurs produits, et notamment la couture, la fourrure, la lingerie, la broderie, la mode, la chaussure, la ganterie, la maroquinerie, la fabrique de tissus de haute nouveauté ou spéciaux à la haute couture, les productions des paruriers et des bottiers et les fabriques de tissus d’ameublement.
article L111-2 CPI
Protéger une création de mode par le droit d’auteur
Le droit d’auteur existe sans réaliser de formalité particulière, à condition qu’une activité humaine créative puisse être établie et que l’oeuvre soit originale à la date de sa création.
En cas de litige, il faut donc démontrer l’originalité de l’œuvre et la date de sa création. C’est pour cela qu’il est important de conserver des éléments de preuve.
La démonstration de l’originalité d’une œuvre est de plus en plus ardue. Les Tribunaux exigent que la création “présente une physionomie propre et révèle l’empreinte de partis pris reflétant la liberté de choix et la personnalité d’un auteur”. L’utilisation d’éléments qui appartiennent à une même tendance et relèvent du “fonds commun de la mode” est considérée comme banale, donc non originale et non protégeable par le droit d’auteur.
En théorie, la notion d’antériorité est étrangère au droit d’auteur. L’originalité d’une œuvre ne s’apprécie pas au regard de ce qui existe déjà. L’originalité n’est pas la nouveauté. Cependant en pratique, les juges examinent ce qui existe déjà pour déterminer si la création dont l’originalité est revendiquée “s’en dégage de manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d’un effort de création, marquant l’oeuvre revendiquée de l’empreinte de la personnalité de son auteur”.
CA PARIS 7 septembre 2021 n° 19/13325
EN PRATIQUE
➡️ Déposez une enveloppe Soleau en ligne sur le site de l’INPI pour conserver une preuve de la date de votre création. Décrivez ce qui rend votre création originale, de façon objective et subjective.
La description objective établit une liste détaillée des éléments créatifs emportant l’empreinte de votre personnalité. La description subjective raconte une histoire autour de la création, une explication de vos partis pris esthétiques et de vos choix créatifs arbitraires.
Le cas particulier du Dessin ou Modèle Communautaire Non Enregistré
Le DMCNE protège un design pendant 3 ans à compter de sa première commercialisation sur le territoire de l’Union Européenne contre les copies serviles à l’identique. Cela suppose la preuve d’une intention de nuire, une intention de copier le vêtement. Cette protection existe sans formalité particulière.
En cas de litige, les vêtements sont comparés et les copies à l’identique avec une intention de nuire sont qualifiées de contrefaçon. Cependant, si un autre designer a eu la même idée que vous car il est exposé aux mêmes sources d’inspiration, et qu’il crée un modèle similaire sans avoir eu connaissance de votre travail, alors la protection par DMCNE n’est pas activable (article 19 Règlement n° 6/2022).
EN PRATIQUE
➡️ Pour protéger les vêtements de votre collection de mode de manière plus large et plus longue, il faudra vous tourner vers un titre de propriété industrielle, à savoir un dessin ou modèle enregistré.
Protéger un vêtement par un titre de propriété industrielle
Il existe 3 grands types de titres de propriété industrielle.
Le brevet protège les innovations techniques qui résolvent un problème technique.
La marque est un signe distinctif qui distingue les produits et services d’une entreprise de ceux de la concurrence.
L’outil adapté pour protéger l’aspect esthétique d’un vêtement est le dessin ou modèle, qui protège l’apparence globale d’un objet.
Quels sont les critères pour protéger un vêtement par un dessin et modèle ?
Les critères sont posés à l’article L511-1 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI).
Le vêtement doit être nouveau et présenter un caractère propre ou individuel. L’impression d’ensemble dégagée par le vêtement doit être différente de ce qui existe déjà. Les éléments qui composent le vêtement ne sont pas obligatoirement nouveaux, mais leur agencement doit résulter d’un effort créatif protégeable.
Pour être considéré comme nouveau, le dessin ou modèle doit n’avoir fait l’objet d’aucune divulgation dans les 12 mois précédant la date de dépôt de la demande d’enregistrement.
EN PRATIQUE
➡️ Ne divulguez pas prématurément vos créations si vous comptez les protéger. Concluez des accords de confidentialité avec les partenaires auxquels vous allez montrer vos modèles. Attention : publier sur les réseaux sociaux constitue une divulgation !
Quelle est la protection accordée par un dessin et modèle ?
Le DME français protège un design pendant 5 ans renouvelable 4 fois (jusqu’à 25 ans) contre tout acte de contrefaçon. La contrefaçon est une atteinte à un titre de propriété industrielle, qu’elle soit volontaire ou non.
Sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation, le transbordement, l’utilisation, ou la détention à ces fins, d’un produit incorporant le dessin ou modèle.
article L513-4 CPI
Dès lors, c’est la fin du mythe des 7 différences. Ce qui est comparé en cas de litige, c’est l’impression globale dégagée par les deux vêtements.
Lorsqu’une création ne diffère du dessin ou modèle déposé que par quelques détails insignifiants, elle sera considérée comme identique, peu importe que son auteur ait eu l’intention de copier le dessin ou modèle protégé ou non.
Quelle est la procédure pour déposer un dessin ou modèle ?
La procédure de dépôt classique est fixée par le CPI et détaillée sur le site de l’INPI. Certaines informations sont à fournir sous une forme précise.
Pour l’industrie de la mode qui renouvelle souvent ses collections, le dépôt simplifié permet de déposer une collection complète de manière simple et rapide, sans payer dans un premier temps les taxes relatives à la publication des modèles. Le déposant dispose ensuite de 3 ans pour publier les dessins ou modèles qu’il souhaite protéger.
Les modalités du dépôt simplifié sont précisées dans les articles R512-1 et suivants du CPI.
EN PRATIQUE
➡️ Si vous ne savez pas encore quels éléments de votre collection seront les plus iconiques, le dépôt simplifié peut être une bonne solution pour protéger vos droits en optimisant votre budget. Vous n’effectuez la publication que pour les éléments que vous souhaitez reconduire les saisons suivantes.
J’ai un dessin ou modèle enregistré, à quoi ça me sert ?
Toute atteinte à ce titre est un acte de contrefaçon. Il est possible d’agir en référé pour obtenir en urgence la cessation des actes de contrefaçon (par exemple le retrait des articles du site web ou de la boutique). L’action sur le terrain civil permet d’obtenir réparation des préjudices subis du fait de la contrefaçon. L’action peut également être poursuivie au pénal dès lors que la condamnation au civil a été prononcée.
En défense, votre adversaire essaiera probablement de prouver que votre du titre de propriété industrielle n’est pas valable. S’il arrive à prouver que votre dessin ou modèle ne remplissait pas les condition de nouveauté ou de caractère propre lors du dépôt, alors il n’y a pas de contrefaçon. Il faut donc effectuer le dépôt avec soin pour disposer d’un titre valide et d’une réelle protection.
EN PRATIQUE
- Faites (faire) une recherche d’antériorité avant de déposer un dessin ou modèle, afin de ne pas vous-même être contrefacteur.
- Déposez des modèles réellement individuels : en cas de litige, il faut que votre titre de propriété industrielle soit solide.
- Conservez des preuves d’éventuels actes de contrefaçon (captures d’écran, constat d’huissier).
- Pensez au dépôt simplifié pour vos collections de mode !
On me copie, que faire ?
Selon la stratégie de propriété intellectuelle que vous avez mise en place en amont, plusieurs actions seront envisageables en cas d’échec des démarches amiables :
- action en contrefaçon de droit d’auteur ou de DCM ou DCMNE
- action en concurrence déloyale et parasitaire
Ces deux dernières actions sont des actions en responsabilité civile, qui ne sont pas basées sur un titre de propriété industrielle. Elles sont donc possibles même si vous n’avez pas déposé de dessin ou modèle. Il faudra cependant démontrer que votre adversaire a commis une faute.
Pour la concurrence déloyale, la faute consiste en la création d’un risque de confusion par la commercialisation d’un produit identique
Pour le parasitisme, il faut prouver d’une part que les investissements réalisés pour votre collection ont créé une valeur économique individualisée vous procurant un avantage concurrentiel, et d’autre part la captation à titre lucratif et de façon injustifiée de cette valeur par une autre entreprise.
Je vous propose un accompagnement pour mettre au point une stratégie adaptée :
- pour protéger vos créations de mode en amont
- pour vous défendre en cas de copie.