Créer un business autour de produits de luxe : jusqu’où puis-je aller ?

Créer un business autour de produits de luxe : jusqu’où puis-je aller ?
Passioné.e par les maisons de luxe, vous souhaitez lancer votre modèle d'affaires autour de leur produits ? Nous vous éclairons sur les limites de ces différents business models.

L’imagination ne manque pas pour créer des modèles d’affaires autour de l’aura des maisons de luxe les plus réputées. Cependant, les risques sont importants, notamment au regard de la propriété intellectuelle. Loin de la contrefaçon classique, ces nouveaux business models posent parfois des questions juridiques inédites.

Évoquons ensemble les enjeux juridiques liés aux modèles d’affaires dans le secteur de la mode et du luxe.

Vente de seconde main

Le modèle d’affaires le plus simple est celui de la vente de seconde main. Il est autorisé en vertu du principe d’épuisement des droits. Il est prévu à l’article L713-3 code de la propriété intellectuelle en matière de marques, et existe aussi en matière de droits d’auteur, dessins et modèles. Une fois que le produit a été mis en vente une première fois sur le territoire de l’Union européenne, alors sa revente successive ne constitue pas une contrefaçon, à condition qu’il ne soit pas modifié.

L’enjeu juridique est ici celui de l’authenticité du vêtement revendu. En effet le fait de fabriquer de la contrefaçon est pénalement et civilement répréhensible, mais aussi le fait d’en détenir et d’en revendre. Avec l’entrée en vigueur du DSA le 17 février 2024, les plateformes de revente de vêtements, bijoux ou sacs de luxe devront mettre en place des mesures renforcées pour s’assurer de l’authenticité des articles et de la légalité de l’activité des vendeurs.

Elles doivent par ailleurs communiquer de manière explicite au consommateur leur qualité d’intermédiaire et l’identité de la personne avec laquelle le contrat est conclu. A défaut, leur responsabilité pourra être retenue au titre de la vente d’articles contrefaits par leur intermédiaire.

💡 Si vous avez un projet de plateforme, accordez une importance particulière à ces questions de responsabilité dès sa conception.

Lire l’article 22 du DSA sur la traçabilité des vendeurs

Upcycling

L’upcycling ou surcyclage en français n’a pas de définition légale ou règlementaire, mais a déjà soulevé de nombreuses questions juridiques selon la manière dont il est compris ou exercé. Selon le CNC dans son Guide des allégations environnementales propose la définition suivante :

“ la fabrication, à partir d’objets ou de matériaux de récupération (des matériaux ou des produits dont on n’a plus l’usage), de produits de plus haute valeur économique que les objets ou matériaux d’origine”.

L’upcycling implique d’utiliser des produits finis existants comme matière première pour de nouvelles créations. En apportant sa touche artistique et créative, une véritable marque peut émerger, telle la maison Marine Serre ou la marque Resap Paris.

Qu’en est-il de l’upcycling qui choisit de transformer des articles de luxe en laissant apparaitre les logos correspondants, tout en mettant cette caractéristique en avant comme argument de vente ? Attention à ne pas tomber dans le domaine de pratiques répréhensibles. L’usage de tout logo apparent constitue une contrefaçon de marque, surtout pour des produits similaires et identiques à ceux désignés par la marque déposée. Il est impossible d’invoquer l’épuisement des droits pour cette activité, car le produit est transformé avant revente.

💡 Une seule solution pour exercer cette activité sans violation de droits de propriété intellectuelle : obtenir une licence de marque.

⚠️ Attention : les produits crées seront des produits neufs soumis à la règlementation des produits neufs (étiquetage, adhésion à Refashion, plan d’éco-conception, …)

Stocks dormants de grande maison

Souvent confondus avec l’upcycling, l’emploi de stocks dormants pour fabriquer des vêtements est encore un modèle différent. Les vêtements fabriqués sont des vêtements neufs soumis à la règlementation correspondante. Ce n’est pas parce que la matière première est d’occasion que les vêtements fabriqués à partir de celle-ci le sont.

Pour les marques de mode et maisons de luxe, la revente de leurs stocks dormants constitue un moyen de les revaloriser. L’enjeu en matière de propriété intellectuelle est de ne pas favoriser la contrefaçon en mettant sur le marché des matières premières uniques qui sont la signature de leur marque et qui permettraient de fabriquer des contrefaçons à peine identifiables. Tous les tissus monogrammés sont ainsi exclus de ce type de circuit.

💡 Pour une jeune marque qui souhaite s’approvisionner en stocks dormants, il est plus simple de passer par une plateforme que de s’adresser directement aux marques.

Dupes

Les dupes ou imitations sont toujours à la limite de la contrefaçon classique. Il ne s’agit pas de la copie à l’identique d’un modèle mais plutôt d’une inspiration. Lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir gain de cause sur le terrain de la contrefaçon de dessins et modèles enregistrés ou non, les notions de parasitisme et de concurrence déloyale prennent le relais.

Le 10 novembre dernier, une grande maison de luxe a obtenu gain de cause contre une enseigne de fast fashion qui avait repris plusieurs modèles de sa collection de la saison. La Cour a considéré que l’accumulation de la reprise de ces modèles revenait à profiter des investissements créatifs de la maison de luxe à moindre coût. Il s’agit donc de parasitisme. La condamnation s’élève à 2 millions d’euros de dommages et intérêts (CA PARIS Pôle 5 – Ch 2, 21/19126).

⚠️ Si votre projet consiste à vous inspirer des collections de grandes maisons pour en proposer des “dupes”, prenez le temps d’y réfléchir à deux fois.

Vente de NFT de produits de luxe

L’affaire des MetaBirkin l’a montré l’année dernière : les défis juridiques naissent avec l’innovation et sont tranchés par les Tribunaux. L’entreprise Mason Rotschild commercialisait des NFT, représentations virtuelles des sacs emblématiques BIRKIN de la maison Hermès. La décision en droit américain a donné raison à Hermès.

De plus en plus de marques et maisons déposent leur marque en classe 9 (NFT) pour bénéficier incontestablement du monopole et de la protection accordés aux marques déposées.

Exploitation des emballages et vente d’échantillons de produits de luxe

Une société a tenté de revendre des échantillons de parfum d’une marque, ainsi que des parfums déjà utilisés, sans leur emballage.

Une jurisprudence récente a clarifié ce cas : le principe d’épuisement des droits ne peut pas être invoqué pour écarter la contrefaçon de marque. En effet, ce principe implique une première mise en vente des produits et une revente sans modification.

En l’espèce, les échantillons ne sont pas vendus mais mis à disposition à titre gratuit par la marque. Les droits ne sont donc pas épuisés. De plus, il a été jugé que commercialiser un produits de luxe partiellement utilisé, sans son emballage, constitue une altération du produit et de l’image de la marque d’origine (Cass. com., 06-12-2023, n° 20-18.653).

Un autre business model présent sur les réseaux sociaux : la transformation d’emballages ou d’accessoires de marques de luxe en produits : le même principe s’applique surtout si la marque est apparente sur le produit fini. Il s’agit d’un usage de la marque non autorisé par le titulaire des droits, ce qui est la définition de la contrefaçon.

Vous avez une idée de business autour des produits de luxe qui vous passionnent ? Prenez vos précautions afin de ne pas investir dans une idée non viable juridiquement ou de vous attirer des ennuis.

Faites appel au cabinet pour une étude de faisabilité complète. Nous couvrirons non seulement les thématiques de propriété intellectuelle, mais établirons également la feuille de route juridique à 360° de votre projet pour un lancement serein et sécurisé !

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