Créer une plateforme de mode éthique : quelle est la règlementation applicable ?

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De plus en plus de plateformes en ligne voient le jour dans le secteur de la mode.

Cela vous inspire, et aujourd’hui, vous souhaitez créer une plateforme de mise en relation entre des marques éco-responsable et des clients consommateurs ?

Si vous souhaitez avoir les idées claires sur les réglementations qui sont susceptibles de s’appliquer, cet article est pour vous !

Mettre en avant une sélection de marques de mode éthiques pour aider les consommateurs à trouver leur bonheur en dehors de la fast-fashion ? C’est un projet exaltant, qui peut impliquer le respect d’une règlementation complexe selon le business modèle retenu.

Avant toute chose, voici la définition légale de ce qu’est une plateforme.

L’article L.111-7 I du Code de la consommation donne une définition d’un opérateur de plateforme en ligne : “Toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :

  • Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; ou
  • La mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service »

Plusieurs types de plateformes

Il existe différents types de plateformes en ligne qui relèvent de diverses réglementations.

Voici des exemples de plateformes :

  • Plateforme de mise en relation entre un professionnel et un client (consommateur) pour la vente d’un produit ou la fourniture d’un service. On parle aussi de plateforme B to C ou de marketplace (en français, place de marché).
  • Plateforme de mise en relation entre un professionnel et un client (professionnel) pour la vente d’un produit ou la fourniture d’un service. On parle alors de plateforme B to B.
  • Plateforme de mise en relation entre un particulier et un autre particulier pour la vente d’un d’un produit ou la fourniture d’un service. On parle aussi de C to C ou de plateformes d’intermédiation dite collaborative.

Dans la mode, les plateformes les plus courantes et émergentes sont celles qui :

  • Mettent en relation plusieurs parties en vue de la location d’un bien
  • Permettent à particuliers de vendre leurs vêtements en seconde main à d’autres particuliers
  • Proposent une sélection de marques selon une thématique, par exemple les marques éco-responsables pour enfant

Dans cet article, c’est sur ce dernier exemple que nous allons nous focaliser. Quelles sont les règles juridiques qui s’appliquent à une place de marché mettant en avant une sélection de marques de mode éthique ?

Le régime juridique de la plateforme de mode B2C

Pour clarifier les choses, nous pouvons distinguer 3 catégories d’obligations :

  • Les obligations de la plateforme vis-à-vis du vendeur, la marque de mode
  • Les obligations de la plateforme vis-vis à de l’acheteur, le client consommateur
  • Les obligations de la plateforme vis-à-vis de l’État

Les obligations de la plateforme vis-à-vis des vendeurs, les marques de mode partenaires

Les obligations de transparence et de loyauté

En tant que gestionnaire de plateforme, vous devez respecter des obligations de transparence et de loyauté envers les vendeurs professionnels. Ces obligations sont issues du Règlement européen “Plateform to Business (P2B) du 20 juin 2019, et applicable depuis le 12 juillet 2020.

Cela inclut par exemple la mise en place d’un système interne de traitement des plaintes et de médiation, ou encore l’encadrement des procédures de suspension ou de fermeture définitive des comptes de vendeurs.

Il faut également informer de manière transparente sur les critères d’admission des marques de mode sur votre plateforme. Quels sont les critères à remplir pour s’intégrer à votre sélection ?

Le règlement “Plateform to Business” interdit certaines pratiques déloyales.

La rémunération

Via votre plateforme, différentes marques de mode peuvent proposer et vendre leurs articles au plus grand nombre. Vous offrez donc un service. Comment rémunérer à ce juste titre ce service ? Vous avez le choix, vous pouvez notamment :

  • Prendre une commission sur chaque transaction effectuée entre un professionnel et un acheteur
  • Mettre en place un système d’abonnement hebdomadaire, mensuel voir annuel : l’idée est que seules les marques de mode ayant payé leur abonnement peuvent proposer leurs produits sur votre plateforme
  • Réserver certains espaces de vos pages à la publicité et ainsi ne pas impacter les transactions et offrir un service de mise en relation gratuit

Il existe également d’autres manières de se rémunérer. Tout dépend finalement de votre business plan !

Les transactions

Les clients consommateurs effectuent des achats par le biais de votre plateforme. Il est donc nécessaire d’intégrer à votre plateforme un “service de paiement” qui permet ainsi aux clients de régler leurs achats et aux vendeurs de recevoir leurs paiements.

Attention ! Conformément à l’article L511-5 du Code monétaire et financier, vous avez l’interdiction d’encaisser vous-même les sommes payées par les acheteurs, de prélever votre commission, et de reverser le restant des sommes aux vendeurs. En effet, le fait d’encaisser de sommes d’argent pour le compte d’autrui est un service financier qui fait l’objet d’une réglementation très stricte.

Comment faire alors ? Pour que votre plateforme puisse, à titre de profession habituelle, fournir un service de paiement au sens de l’article L.314-1 du Code monétaire et financier, vous pouvez notamment entamer des démarches auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en vue d’obtenir un agrément d’Établissement de paiement (EP) ou de monnaie Électronique. Néanmoins, une telle procédure est spécifique, longue, coûteuse et généralement contraignante pour une petite entreprise.

Autre possibilité, vous pouvez bénéficier de l’agrément d’une société extérieure ayant réalisé toutes les démarches lui permettant de fournir des services de paiement et ainsi devenir agent de celle-ci.

Pour éviter les risques, vous pouvez solliciter le conseil d’un avocat qui vous aidera à trouver la solution la plus adaptée à votre projet

Les mentions légales (une obligation à l’égard des vendeurs et des acheteurs)

Il est impératif de communiquer vos mentions légales en bas de page. Les mentions légales sont des mentions qui doivent obligatoirement figurer sur la plateforme d’un professionnel. L’absence de ces informations est sanctionnée.

Voici les mentions essentielles que vous devez faire apparaitre sur vos pages internet :

  • Des informations qui permettent à l’internaute de vous identifier comme par exemple la dénomination sociale, la forme juridique, l’adresse du siège social ou encore le montant du capital social de votre société.
  • Les modalités de traitement des données personnelles des internautes et l’utilisation des cookies. Vous devez vous conformez aux règles issues du RGPD concernant la protection des données personnelles sous peine de lourdes sanctions pécuniaires. Pour chaque traitement de données, il est important de définir les statuts de chacun des acteurs de la plateforme (opérateur, vendeur et acheteur) : qui est le responsable de traitement ? il y a t-il des co-responsables de traitement ? existe-il un sous-traitant ? S’agissant des cookies, vous devez respecter les dispositions de la loi Informatiques et Libertés.

Les conditions générales de prestation de service encadrent les relations commerciales entre vous, la plateforme, et les marques de mode qui proposent leurs articles à la vente. Entre professionnels, elles ne sont pas obligatoires. Néanmoins, elles doivent pouvoir être communiquées sur simple demande.

Doivent par exemple figurer dans vos CGS :

  • Votre identité ainsi que vos coordonnées
  • La qualité des personnes autorisées à déposer une offre de biens et notamment leur statut de professionnel
  • La description du service de mise en relation, ainsi que la nature et l’objet des contrats dont il permet la conclusion
  • Le cas échéant, le prix du service de mise en relation ou le mode de calcul de ce prix, ainsi que le prix de tout service additionnel payant, lorsqu’ils sont mis à la charge du consommateur
  • Ou encore, les modalités de règlement des litiges, et le cas échéant, le rôle de votre plateforme dans ce règlement

Un espace disponible

Lorsque le consommateur clique sur un article, une page produit plus détaillée apparait. Il est nécessaire que le client passe une commande en connaissance de cause. Prenez le soin de laisser sur cette page un espace à la marque de mode pour qu’elle puisse y insérer ses mentions légales et ses CGV (Conditions générales de vente). Ces CGV encadrent les relations commerciales entre la marque de mode et le client consommateur.

Les obligations de la plateforme vis-à-vis de l’acheteur 

Le droit de la consommation

Via votre plateforme, des marques de mode vendent leurs pièces auprès de clients consommateurs.

Aux termes de l’article liminaire du Code de la consommation, “un consommateur est toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.”

Le droit de la consommation trouve alors à s’appliquer, ce qui entraine plusieurs conséquences. 

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a pour mission principale d’assurer la protection économique des consommateurs.

Vous êtes soumis à une obligation générale d’information pré-contractuelle envers les clients consommateurs. Vous devez à ce titre respecter les dispositions des articles L.111-1 et suivants du Code de la consommation.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2018, vous devez, conformément à l’article L.111-7 du Code de la consommation, délivrer aux consommateurs une information loyale, claire et transparente, dans une rubrique spécifique et facilement accessible sur toutes les pages du site, concernant notamment :

  • Les CGU (conditions générales d’utilisation) du service d’intermédiation que vous proposez
  • Les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des articles auxquels votre service permet d’accéder ;
  • L’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération à votre profit, dès lors qu’ils influencent le classement ou le référencement des contenus, des biens ou des services proposés ou mis en ligne ;
  • La qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale

L’idée est d’assurer une transparence totale à l’égard du consommateur quant aux raisons pour lesquelles tel ou tel produit lui est présenté en premier, en haut de page ou en première position de sa recherche, et pas un autre. Est-ce le produit qui lui convient le mieux, ou celui pour lequel l’annonceur a payé la plus forte commission à votre plateforme ?

Les avis en ligne

Si vous offrez la possibilité aux consommateurs de publier des avis clients en ligne, vous devez respecter une obligation d’information définie par le décret du 29 septembre 2017 et entrée en vigueur le 1er janvier 2018. Les clients consommateurs doivent être informés des modalités de contrôle des avis publiés sur votre plateforme. L’idée est de lutter contre les “faux avis” et les “avis de complaisance”.

La responsabilité environnementale

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi AGEC) du 10 février 2020, entrée en vigueur au 1er janvier 2022, fait peser des obligations sur les plateformes en ligne d’une certaine importance. Mais rien n’interdit aux plateformes qui ne remplissent pas les seuils de se calquer d’ores et déjà sur les exigences de la loi AGEC pour promouvoir leur engagement éco-responsable.

Par exemple, si vous détenez des stocks (de produits neufs et non alimentaires), vous pouvez vous engager à réemployer, réutiliser ou recycler les invendus dans le respect de la hiérarchie des modes de traitement de l’article L.541-1 du Code de l’environnement.

Conformément à l’article L541-10-9 du Code de l’environnement, lorsque vous facilitez, par le biais de votre plateforme, les ventes à distance ou la livraison de produits relevant du principe de responsabilité élargie du producteur pour le compte d’un tiers, vous êtes tenu de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent.

Toutefois vous n’est pas concernée par cette obligation lorsque vous disposez des éléments justifiant que le tiers a déjà rempli ces engagements. Dans ce cas, vous devez seulement consigner les justificatifs correspondants pour chacune des marques de mode qui vendent sur votre plateforme, dans un registre mis à disposition de l’autorité administrative.

Les contenus illicites

S’agissant de la publication de contenus illicites sur Internet, la loi LCEN a élaboré deux régimes de responsabilités différents : celui de l’hébergeur de contenu et celui de l’éditeur de contenu.

Bon à savoir : le régime de responsabilité de l’hébergeur est allégé. À l’inverse, l’éditeur est responsable de tout contenu illicite figurant sur la plateforme conformément aux dispositions de la loi LCEN. 

L’hébergeur fournit uniquement une prestation de stockage du contenu, sans qu’il n’aie la possibilité de sélectionner les contenus. Alors que l’éditeur, quant à lui, élabore, sélectionne et contrôle les contenus mis en ligne.

Pour déterminer si vous êtes un hébergeur ou bien un éditeur, tout dépend finalement de votre rôle et de votre implication. Par exemple, si vous créez du contenu pour mettre en avant certaines marques ou encore si vous optimisez les fiches produits des vendeurs référencés, vous êtes alors éditeur, avec les conséquences que cela implique !

Le site d’enchères en ligne eBay a été qualifié d’éditeur par la Cour de cassation en 2012 en raison de son “rôle actif de nature à leur conférer la connaissance ou le contrôle des données qu’elles stockaient et à les priver du régime exonératoire de responsabilité” de l’hébergeur”. En 2020, c’est la plateforme de marché Alibaba.com qui s’est vu reconnaitre le statut d’hébergeur par le Tribunal judiciaire de Paris faute d’avoir un rôle actif dans la rédaction et le contenu des annonces.

Les obligations de la plateforme vis-à-vis de l’État

Les obligations fiscales

Conformément à l’article 242 bis du Code général des impôts, vous êtes tenu de communiquer à l’administration fiscale un document récapitulatif annuel l’informant de toutes les transactions réalisées par chaque vendeur, sauf si ce vendeur n’a pas réalisé plus de 20 transactions, représentant plus de 3.000 €. Vous devez le faire au plus tard le 31 janvier de l’année qui suit celle au cours de laquelle les opérations récapitulées dans le document ont été réalisées.

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